Mont Bouquet (2)
C'est la signature des sangliers.
Pour ceux qui préfèrent les fleurs, j'en ai coisé quelqu'unes.
Attention, ici celles du Genêt scorpion,
fort épineux.
Avec les touffes de Thym, il faut se pencher un peu
mais on ne risque rien. Senteur très prononcée.
Là, dans les rochers,
la Saponaire de Montpellier, ou Saponaire ocymoïde,
ou Saponaire rose, ou Saponaire des rochers.
Frottée dans l'eau, elle mousse
comme du savon.
L'Aphyllanthe de Montpellier.
Je connais des gourmands qui en raffolent
car elle est légèrement sucrée.
Un rameau de Cytise
qui me rappelle immanquablement la chèvre de M. Seguin,
peu de temps avant qu'elle soit mangée par le loup.
De retour dans la petite plaine du début,
une Euphorbe aux teintes pastel,
et une autre toute lumineuse.
A l'ombre, le Grémil ligneux nous offre, mine de rien,
le même bleu que les gentianes alpines.
Comment fait-il ?
Voici le petit pompon de la Globulaire arbrisseau,
typiquement méditerranéenne.
La petite Jonquille des garrigues
qui pousse au milieu des cailloux
et qui sent si bon.
Et les petits Iris des garrigues,
pas plus hauts que deux pommes.
Tout est petit ici,
faute de terre et d'eau.
L'Iris nain peut être violet foncé ou clair,
jaune foncé ou clair, ou blanc.
Son rizome survit au froid, à la sècheresse,
au passage des troupeaux,
et aux incendies.
Le Mont Bouquet, entre Navacelles et Bouquet (30), le 18 avril 023
_______
Trouvé dans un sous-bois...
______
La chèvre de Monsieur Seguin, d'Alphonse Daudet (1840-1897)
- extrait -
... Quand elle arriva dans la montagne, ce fut un ravissement général. Jamais les vieux sapins n'avaient rien vu d'aussi joli. On la reçut comme une petite reine. Les châtaigniers se baissaient jusqu'à terre pour la caresser du bout de leurs branches. Les genêts d'or s'ouvraient sur son passage, et sentaient bon tant qu'ils pouvaient. Toute la montagne lui fit fête.
Plus de corde. Plus de pieu... rien qui l'empêcha de gambader, de brouter à sa guise... C'est là qu'il y en avait de l'herbe ! jusque par-dessus les cornes... Et quelle herbe ! Savoureuse, fine, dentelée, faite de mille plantes... C'était bien autre chose que le gazon du clos. Et les fleurs donc !... De grandes campanules bleues, des digitales de pourpre à longs calices, toute une forêt de fleurs sauvages débordant de sucs capiteux !
La chèvre blanche, à moitié ivre, se vautrait là-dedans les jambes en l'air et roulait le long des talus, pêle-mêle avec les feuilles tombées et les châtaignes... Puis, tout à coup, elle se redressait d'un bond sur ses pattes. Hop ! la voilà partie, la tête en avant, à travers les maquis et les buissières, tantôt sur un pic, tantôt au fond d'un ravin, là-haut, en bas, partout... On aurait dit qu'il y avait dix chèvres de M. Seguin dans la montagne.
Elle franchissait d'un saut de grands torrents qui l'éclaboussaient, au passage, de poussière humide et d'écume. Alors, toute ruisselante, elle allait s'étendre sur quelque roche plate et se faisait sécher par le soleil... Une fois, s'avancent au bord d'un plateau, une feuille de cytise aux dents, elle aperçut en bas, tout en bas dans la plaine, la maison de M. Seguin avec le clos derrière. Cela la fit rire aux larmes. - Que c'est petit ! dit-elle ; comment ai-je pu tenir là-dedans ? Pauvrette ! De se voir si haut perchée, elle se croyait au moins aussi grande que le monde...
________